*Ses compagnons d’armes assis autour d’elle prêtent tous l’oreille. Anaelle baisse les yeux et se met à contempler ses mains sur ses genoux, le visage sombre, sans doute à la recherche de douloureux souvenirs. Elle semble hésiter quelques instants puis se lance…*
« A des lieux de la province d’Amakna, vivait dans un grand château un fier seigneur iop du nom de Maho Keurvaillan. Il avait toutes les raisons du monde de se réjouir car il avait épousé une jeune feca dont son cœur s’était épris au premier regard qu’il avait posé sur elle. Elle était la grâce et la générosité, et possédait l’intelligence de ceux de sa race. Rien que son prénom Amalia résonnait comme une sérénade. Elle finit par succomber à la cour assidue que le seigneur lui fit. Et dans toute la contrée on célébra leurs noces. La paix vint grâce à l’amour après des années de guerre. Car Maho était le digne descendant de chevaliers iops qui ne savaient parler qu’à coups d’épées. Mais son cœur s’était attendri sous la tendresse et la gentillesse de son épouse.
Peu de temps après le mariage, le cœur du iop s’adoucissait de plus en plus à mesure que le ventre de sa bien aimée s’arrondissait. Il était déjà fier à l’idée d’avoir un fils à qui transmettre son savoir de guerrier et à qui confier le domaine. Il se voyait déjà lui apprenant le maniement de l’épée puis l’emmenant à la taverne siffler quelques bières. Bref faisant de son fils un vrai iop comme l’avait fait son père et son grand père avant lui.
Alors que la naissance approchait, on vit débarquer au château un vieux xelor accompagné d’un bwork mage. Ils souhaitaient obtenir gîte et couvert pour une nuit, prétextant que les tavernes n’étaient pas des endroits sûrs. Le seigneur Keurvaillan n’était pas du genre aimable et accueillant, il les renvoya sans même les écouter. Alors qu’ils étaient reconduits sans trop d’égard vers la porte, le vieux xelor s’écria en regardant Amalia et son ventre proéminent:
« Seigneur ne souhaitez vous pas connaître l’avenir de votre progéniture ?
- Je sais que mon fils sera grand et fort et qu’il remportera de nombreuses victoires répondit Maho la voix emplit de fierté.
Le vieil homme murmura quelques paroles inaudibles en remuant les mains et l’on vit apparaître un immense sablier. Il le contempla quelques instants puis reprit :
- Non majesté, vous aurez une fille.
- C’est impossible ma descendance ne peut être qu’un mâle- s’énerva le iop- jetez moi ces fils de trolls hors de mes terres ! »
Les gardes allaient se jeter sur les deux étrangers lorsque le bwork leva son bâton et le fit tourner dans les airs. La belle feca s’évanouit aussitôt. Les gardes ruèrent sur l’ennemi qui disparut dans un nuage de fumée.
On entoura la future mère pour voir comment elle se portait lorsque l’on découvrit derrière elle une malédiction gravée dans un des murs du château :
« Devant la vérité tes yeux tu as détourné,
A de pauvres étrangers le respect tu as refusé
Aux êtres aimés tu devras renoncer. »
Les iops ne sont pas hommes à croire aux malédictions et autres trucs de vielle enutrof mais cependant un frisson parcouru l’échine de Maho.
Amalia elle connaissait la puissance de la magie et ne prenait donc pas la menace à la légère. Les jours passant, son angoisse grandissait non pour elle mais pour son enfant à naître.
Les contractions la prirent au beau milieu de la nuit. On fit venir une eniripsa qui se chargeait de veiller au bon déroulement de tous les accouchements mais celui-ci se passait de manière bien étrange. Malgré toute la force et la volonté qu’elle mettait dans ses soins, la fée était dépassée. Enfin le moment de la délivrance, elle posa l’enfant qui respirait à peine sur le ventre de sa mère qui elle aussi était au plus mal. Amalia sentait la vie l’abandonner. Elle posa ses mains sur le petit corps frêle et rassemblant ses dernières forces elle lança tous ses boucliers protecteurs en même temps, dans son dernier souffle.
La magie contre la magie, l’amour contre la haine, voilà comment ma mère m’a sauvé la vie alors même qu’elle me la donnait. »
*Quelques larmes font briller un peu plus ses yeux noirs toujours emplis de tristesse, à présent on comprend pourquoi. Elle se lève et tourne le dos, faisant face au vent qui soulève ses cheveux.*.